Lapérouse aux récoltes de
Dumont d’Urville
Parti de France en 1785, on sait que
La Pérouse
visite l’île de Pâques en avril 1786 mais décide de ne pas aller sur Tahiti,
comme il l'avait prévu en traçant sa route vers les Îles Hawaii, Son
expédition, la plus importante qui ait été montée jusqu'alors du point de vue
scientifique, n'a pas visité les archipels de Polynésie française et a trouvé une
fin tragique en 1788 dans l’île de Vanikoro. Toutes les collections y furent
perdues mais, par le journal relatant la première partie du voyage et qui avait
été transmis en France, La Pérouse a grandement contribué à la connaissance
cartographique et géographique du Pacifique. Les naturalistes n'eurent guère
plus de chance avec l'expédition suivante commandée par d’
Entrecastaux
dont les frégates, « la Recherche » et « l'Espérance », parties
sur les traces de La Pérouse, furent bloquées en 1793 dans l’île de Java en
raison de la Révolution française; cette expédition n'était pas, elle non plus,
venue près des îles de la Société. Il en est de même du « Géographe » et
du « Naturaliste », commandés par Baudin et qui, au tout début du XIXe
siècle, firent considérablement progresser notre connaissance de l'Australie et
de l'océan Indien dans le domaine des sciences naturelles ; plus de cent mille
échantillons furent ramenés en France, ensemble qui constitue une des
acquisitions historiques les plus importantes du Muséum de Paris, Il faut
attendre 1823 pour qu'arrive dans les îles de la Société « La Coquille
», commandée par Duperrey.
Les naturalistes Lesson et Carnot sont à bord, et
les résultats scientifiques de cette expédition de circumnavigation donnent
lieu à la publication de onze volumes dont quatre de planches. Tahiti et
Bora-Bora sont visitées. Lesson publie en 1832 « l'Histoire naturelle des
Mollusques, Annélides et Vers recueillis au cours du voyage ». Dans cet ouvrage
sont citées et décrites plusieurs espèces des îles de la Société, particulièrement
des Mollusques terrestres et fluviatiles, dont quelques-unes sont nouvelles
pour la science comme Neritina tahitensis (Lesson, 1832), que l'auteur
décrit sous le nom de Nerita O-taitensis. Il semble que la totalité de
la collection Lesson ait été déposée au Muséum national d'histoire naturelle de
Paris où elle s'y trouve encore, intégrée à la collection généraie. Mais
laissons la parole au commandant Duperrey à propos des coquillages de Tahiti
(extrait du « Voyage autour du monde exécuté par ordre du roi sur la corvette
de sa majesté, « La Coquille », pendant les années 1822-1823-1824 et
1825 », Paris, 1825-1830) : « La plupart des Mollusques mentionnés,
se trouvent à peu près vivre indifféremment sous toute la zone équatoriale,
aussi bien dans I’Atlantique que dans le Pacifique. De toutes les coquilles, la
plus commune est sans contredit le poréo, ou la porcelaine grise (Cypraea
tigris), Mais on peut encore s'y procurer un grand nombre d'autres espèces:
la porcelaine géographique; le poupoutaratara (chicorée rameuse) ; le
ptérocère scorpion; le pououpouou (casque), le triton trompette; coquille qui
mérite d'autant mieux son nom qu'elle sert chez tous les insulaires de la mer
du Sud de signal pour courir aux armes ou cérémonies religieuses; les volutes,
les mitres, les harpes, le poupou (vis tigre) ; les rouleaux, les cônes,
les rhombes, nommés roupouari, les cylindres, les trochus, les tonnes, le
cadran, le bronte cuiller, etc… voilà pour les univalves. Parmi les testacés
bivalves, l’aronde aux perles (mytilus margaritiferus) que les habitants
nomment tirana; cette coquille n'est pas très commune sur les côtes d'Otaiti,
mais elle forme des bancs épais au milieu des îles basses de l’archipel
Dangereux. Le tridacne, nommé paoua, est communément en chassé dans les récifs
de coraux. En plus, quelques moules, la pinna marino, plusieurs vénéricardes et
corbules. » Dumont d'Urville était second à bord de « la Coquille
» lorsqu'il visita Tahiti en 1823, Il devint commandant de ce même bateau,
rebaptisé « l'Astrolabe », dans son voyage autour du monde de 1826 à 1829 mais
ne visita pas les archipels de Polynésie française. En revanche, au cours de
son second voyage (1837-1840) et toujours au commandement de « l'Astrolabe
», accompagné de « la Zelée », il relâche en 1838 aux Gambier, à Nuku
Hiva aux Marquises, aux Tuamotu et aux Îles de la Société. Quelque 600 lots de
Mollusques ont été ramenés de cette expédition, et donnés au Muséum de Paris (ci-contre
planche réalisée par Quoy et Gaimard au retour de l’expédition de l’Astrolabe).
Les deux naturalistes de l'expédition qui se consacrèrent aux récoltes
conchyliologiques, Hombron et Jacquinot publièrent et figurèrent en 1854
plusieurs espèces nouvelles (Nassa quoyi Hombron et Jacquinot fut
décrite de Mangareva). Le voyage de « la Vénus » (1836-1839) commandée
par
Abel du Petit-Thouars a récolté des échantillons faunistiques dans les trois
océans au cours de son périple autour du monde, « La Vénus » relâche à
Tahiti en 1838 - une convention fut signée entre la reine Pomare IV et le
capitaine de vaisseau du Petit-Thouars - après être passée par les Marquises.
Des récoltes de mollusques furent confiées au Muséum d'histoire naturelle de
Paris au retour de l'expédition en 1839, mais très peu provenaient de Polynésie
française. Ces matériaux devaient être étudiés en 1846 par Valenciennes (voyage
autour du monde sur la frégate « la Vénus » pendant les années
1836-1839. Atlas de zoologie, Mollusques) qui publia de remarquables planches
avec noms des espèces mais jamais les descriptions ne furent données. Ces
espèces sont cependant considérées comme valables et les échantillons types se
trouvent encore dans les collections du Muséum de Paris. Par ailleurs,
certaines espèces avaient été étudiées dès leur entrée au Muséum telles que Drupa
iodostoma des Marquises qui fut décrite par Lesson en 1840. A notre
connaissance, « l'Artémise », commandée par Laplace, qui mouilla à
Tahiti un an après « la Vénus » ne ramena aucune collection de
Mollusques. En revanche, l'expédition du Sulphur relâcha en Polynésie française
au cours du premier semestre 1840 et les récoltes donnèrent lieu à la
description de plusieurs espèces nouvelles, des Marquises notamment. C'est
ainsi que Hinds décrivit, en 1843 et 1844, entre autres espèces: Cyrtulus
serotinus, Conus marchionatus, Terebra nitida, Nassa candens et Pecten
coruscans ; les deux premières sont d'ailleurs des espèces endémiques des
Marquises. D'autres expéditions sont également passées par des archipels de
Polynésie française et non des moindres du point de vue scientifique si l'on
songe à celles qui amenèrent les géographes et géologues à s'illustrer dans
leurs théories sur les récifs coralliens. Commandé par Fitz Roy, « le Beagle »
(1831-1836) amena le jeune Darwin,
qui mit à profit ses observations sur la faune et la flore de nombreux systèmes
insulaires, dont les Galapagos, pour concevoir sa théorie sur l'origine et
l'évolution des espèces, guidée par la sélection naturelle. L’United States
Exploring expédition de Wilkes (1840-1841 ), visita plusieurs atolls et îles
hautes de Polynésie française avec, à son bord, le géologue Dana. La fameuse
expédition anglaise du « Challenger » (1873-1876) qui ramena plus de
10000 espèces nouvelles du domaine océanique et des données d'une portée
considérable sur le fond des océans et sa faune, relâcha également à Tahiti.
Les expéditions américaines de « l’Albatros » dirigées par Agassiz
passèrent aussi par la Polynésie en 1891 et en 1904-1905; les récoltes
malacologiques effectuées aux Gambier furent publiées par Dall (1908).
Pendant cette période, les Anglais patronnèrent plusieurs petites expéditions comme
le voyage du Blossom commandé par le captain F.W. Beechey de 1825 à 1828, celui du Sulphur
avec le captain Edward Belcher entre 1836 et 1842 et celui du Samarang de
1843 à 1846. Ce dernier voyage permit de rapporter un extraordinaire trésor de
coquillages qui fut décrit par le chirurgien du bord, Arthur Adams. Enfin, en
1837, les Américains frétèrent leur United States Exploring Expedition vers
le Pacifique. Cette expédition, dont le commandant n'était pas un expert en
biologie, connut de piètres résultats, et le peu de Mollusques qu'elle rapporta
ne fut répertorié que dix ans plus tard dans le rapport publié par A. A. Gould.
L'avènement des navires à vapeur et le recours à des câbles d'acier pour draguer les fonds permirent
l'exploration des eaux plus profondes. 1860 vit le début des voyages financés
par divers gouvernements. Les navires britanniques Lightning et Porcupine
draguèrent des fonds de 1 200 à 3 600 m. Sir Wyville Thomson, à bord du Challenger,
dirigea l’une des plus grandes expéditions océanographiques: de 1872 à
1876, il parcourut 69000 miles, recueillant le nombre stupéfiant de 1 900
espèces, dont certaines venaient de fonds de plus de 5 000 m. D'autres voyages
d'exploration des grands fonds suivirent, effectués par le navire américain Blake
(1877-1880), le steamer de l'U.S. Fish Commission Albatross (1887-1906),
le navire allemand Valdiva (1898-1899), Princesse Alice du prince
Albert de Monaco, le Francais et le
Pourquoi-Pas? du commandant Charcot
(de 1903 à 1936); enfin, plus récemment, le Danois Galathea (1950-1952)
et le Soviétique Vitjaz (1960).
Il est impossible de citer tous les voyages de moindre importance entrepris par des amateurs enthousiastes non
subventionnés. Il y eut Hugh Cummings et son Discoverer en Polynésie
(1827-1830), sir Joseph Verco avec l'Adonis et le vapeur Mermaid dans
le sud de l'Australie (1890-1914); John B. Henderson qui fit avec son yacht Eolis
sept croisières au large de la Floride, de 1910 à 1915; Alfred J. Ostheimer
III avec le Gloria Maris qui, entre 1955 et 1962, doubla la collection
de l’Academy of Natural Sciences de Philadelphie; Mrs Mariel King avec son
canot à moteur Pele qui, dans les années 1960, a attiré l'attention sur
la variété des Mollusques de la faune des îles Hawaï et de l’ouest de l'Australie.
Textes tirés d’après :
«Kingdom of the seashell par R. Tucker Abbott.
«coquillages de Polynésie» par B. Salvat et C. Rives.
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