En avril 1768, moins d'un an après la découverte de Tahiti,
Bougainville
arrive dans cette Nouvelle Cythère avec la « Boudeuse » et « l’Etoile
». Le médecin botaniste Commerson fait partie de cette expédition. Il procède à
des récoltes et à observations mais il ne terminera pas le vaya et après avoir
travaillé à Madagascar et dans les Mascareignes, il succombera en mars 1773 ;
l'île de France (La Réunion). La majorité de récoltes mises en caisses furent
ramenées ; France après sa mort par Jossigny. Les documents manquent pour
retrouver trace de ces caisses dont on peut penser qu'elles furent confiées au
Jardin du Roi (Muséum de Paris) ou dispersées. Le laboratoire de phanérogamie
du Museum de Paris possède quelques herbiers de Commerson mais le département
des Mollusques n'a aucune trace d’éventuelles récoltes conchyliologiques du
voyage de Bougainville et aucun travail scientifique n’a été publié à ce sujet. Dans le journal de
Bougainville, une des rares références à des coquillages est relative à une
espèce récoltée à Port-Praslin et dont Commerson lui indiquera qu'il s'agit de diconcha cordiformis.
Cook visite Tahiti pour la première fois
en 1769, avec, pour mission principale, de permettre à des savants
l'observation du passage de Vénus devant le disque du soleil. Il a à son bord
deux personnages qui nous intéressent: l'Anglais J. Banks et le Suédois D.C.
Solander.
Le premier va ramener en Europe une collection de coquillages; il tient un
journal mais les seules références ayant trait aux Mollusques concernent
surtout des espèces du large. Le second naturaliste, disciple de
Linné, ne tient
malheureusement pas de journal. On peut regretter que ces premières récoltes
conchyliologiques n'aient guère été étudiées convenablement malgré un pressant
appel de Linné en 1771 dès le retour de « l’Endeavour ». Le premier travail
publié sur les coquillages du voyage de Cook le sera en 1774 par J.E.I. Walch à
partir d'échantillons vendus par Banks et Solander. La collection Banks
reviendra finalement au British Museum mais de nombreux doubles furent vendus,
notamment à la duchesse de Portland dont la collection permit la constitution
d'un catalogue par Lightfoot
en 1786. Ce catalogue était destiné à favoriser la vente des coquillages qui
furent dispersés aux enchères Mais il présentait un intérêt scientifique
certain. C'est dans celui-ci que se trouve par exemple Mitra incompta, fort
joli mitridae de Tahiti, ou encore Oliva incrassata.
Au cours des deuxième et troisième voyages de Cook, d'importantes collections de coquillages sont
récoltées dans les îles de la Société et aux Tuamotu, en 1773 et en 1777, et
ramenées en Europe. Le plus souvent, officiers et membres de l'équipage
entreprenaient de vendre les échantillons dès leur retour d'expédition. C'est ainsi
qu'un important marchand de curiosités naturelles de Londres, G. Humphrey,
acquit une bonne partie des spécimens collectés au cours des deux derniers
voyages de Cook.
On trouve trace, dans d'anciens catalogues, de transactions relatives à des
coquillages de Tahiti « Lot 150 Six fine leopard cowries (Cypraea tigris L.)
Otaheite », qui fut vendu en 1781 par un officier du « Discovery ».
Mais l'action la plus bénéfique pour la malacologie fut sans conteste l'acquisition par un dénommé Thomas
Martyn des deux tiers des spécimens ramenés par la « Révolution » et « l'Adventure
» (2e voyage, 1772-1775), car c'est à partir de ceux-ci que fut édité en
1784-1787 le fameux « The Universal Conchologist » illustré de
magnifiques planches en couleur. On trouve dans cet ouvrage plusieurs
figurations de coquillages récoltés par Cook lors de son 2ème voyage
et en particulier aux îles des Amis (Friendly islands), qui sont les Tonga, où
il relâcha en septembre-octobre 1773. La porcelaine aurore, Cypraea
aurantium se trouve dans ce lot, mais la paternité de cette espèce
n'appartient pas à Martyn, bien que son dessin soit remarquable, car cet
auteur n'a pas employé la nomenclature binominale ; c'est à Gmelin que doit
se rattacher cette espèce car celui-ci la mentionne en 1791 dans la treizième édition du « Systema
Natura ». Dans l'ouvrage de Martyn, Cypraea carnea
ramenée de Tahiti par Cook est également figurée, mais cette espèce était
connue d'autres localités et déjà répertoriée par Linné en 1758. En 1780, était
paru un très important ouvrage conchyliologique : « La Conchyliologie »
par Favanne et Favanne. Il s'agissait de la 3e édition du livre de
d'Argenville (ci-dessus); les deux premières éditions dataient de 1742
et de 1757 mais la 3e contenait de nombreuses coquilles des mers du Sud observées
dans les cabinets d'histoire naturelle de Paris, de province et de l’étranger .
C'est da ns cet ouvrage de 1780 que l'on trouve pour la première fois des
informations sur les coquillages de Tahiti. Enfin, la remarquable série du
« Conchylien Cabinet » de Martini et Chemnitz, à partir du
volume V publié en 1783 et jusqu’au volume VI, publié en 1795, révèle au monde
une partie des trésors rapportés par les expéditions de cook.
On constate donc que tous ces coquillages ont été rapidement et largement dispersés mais que quelques travaux
importants ont été publiés ; ceux-ci précèdent les grandes monographies
conchyliologiques qui vont être publiées au cours du XIXe siècle. Nous avons
déjà indiqué qu’une partie de la collection Banks était au British Museum de
Londres. D’autres espèces du voyage de Cook sont au museum de zoologie de Cambridge
où elles ont été retrouvées en 1960 (collection Seymer), ou encore à
l’université de Glasgow (collection
Fothergill, devenue
Hunter…). Mais parmi toutes les espèces récoltées au cours des trois voyages de Cook, quelles sont
celles recueillies en Polynésie française ? Récemment, Dance ( 1971) a établi
la liste des espèces provenant du Pacifique central (Tuamotu, Société, Tonga,
Cook et Fidji) ; on en compte 42, dont deux seulement étaient inconnues en
Europe avant les voyages de Cook. La plupart des espèces étaient communes à
toute la province indo-pacifique et 40 d'entre elles avaient déjà été récoltées
dans l'océan Indien notamment. Cependant, pour certaines régions particulières
du point de vue biogéographique, surtout la Nouvelle-Zélande, découverte lors
de ces voyages, les 32 espèces récoltées étaient toutes nouvelles pour la
science à l'exception d'une seule. Pour le Pacifique central, les deux espèces
nouvelles étaient Cypraea aurantium, Gmelin et Latirus iris,
Lightfoot;
seule la première existe en Polynésie française et Cook l'a ramenée de « l’île
des Amis » (Tonga). Il convient donc de remarquer et de souligner que pour
la Polynésie française, les voyages de Cook ramenèrent en Europe les premiers
spécimens mais en fait, aucune espèce jusqu'alors inconnue.
Textes tirés d’après :
«Kingdom of the seashell par R. Tucker Abbott.
«coquillages de Polynésie» par B. Salvat et C. Rives.
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